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Les Patri'Minots

Balade en Aveyron : Sauveterre-de-Rouergue


Petit détour par l'une des 8 bastides que compte aujourd'hui le département de l'Aveyron. Sauveterre-de-Rouergue, classée parmi les Plus beaux villages de France, labellisée Pays d'art et d'histoire et Ville et Métiers d'art, présente un riche patrimoine médiéval. C'est l'un des plus exemples permettant de comprendre le phénomène des bastides.


En route !


La place des arcades, Sauveterre-de-Rouergue


LES BASTIDES, KESAKO ?

Tout d'abord, il faut comprendre ce que l'on entend par "bastide", ici dans le sud-ouest. Car ce terme peut avoir plusieurs significations.

Dans une vaste zone, allant du Bordelais aux Pyrénées, en passant par l'ancienne région Midi-Pyrénées, ce terme désigne des villes nouvelles construites à l’initiative d’une autorité laïque ou religieuse. Les bastides du Rouergue sont ainsi le fait du roi de France, des comtes de Toulouse et du Rouergue, ainsi que de l’évêque de Rodez. Elles ont principalement été construites au XIIIe siècle et au début du XIVe, dans un contexte d’essor urbain et de volonté d’indépendance des citadins. L’une des caractéristiques des bastides est justement l’existence d’une charte de franchises, document conférant aux habitants un certain nombre de droits et donc une relative autonomie dans leur administration. Elles étaient administrées par des consuls, généralement quatre, désignés chaque année parmi les habitants.


D'un point de vue urbanistique, ces villes possèdent certains éléments communs (mais qui ne sont pas systématiques) :


1. Le plan. Préalablement tracé, il est souvent orthonormé, formé de plusieurs îlots (lotissements) délimités par des rues se coupant à angles droits. Ce découpage facilite la répartition des parcelles à bâtir aux colons qui acceptent de s'installer dans la nouvelle ville et le calcul des redevances.


2. Au cœur de la bastide, la place accueille les foires et marchés. Les bastides sont avant tout des villes de commerces. L'église se retrouve alors souvent excentrée, voire en dehors du tracé urbain.


3. La place est souvent bordée de "couverts" auxquels on accède par des arcades et sous lesquels on disposait les marchandises.


4. Au-delà des limites de la ville, le plan régulier se poursuit. Les parcelles sont destinées aux potagers des habitants.


Ce plan-type n’est pas systématique. Sauveterre-de-Rouergue est un l’exemple le plus abouti, mais d'autres bastides sont moins régulières, soit parce qu'elles se sont adaptées à la topographie, soit parce qu'un bourg existait déjà (Villeneuve), soit parce qu'elle ne s'est jamais développée (Villefranche-de-Panat).

Plan de Sauveterre-de-Rouergue, redessiné d'après le cadastre de 1834. Nous ne sommes plus au Moyen Âge mais le parcellaire de la ville est quasiment intact, les lotissements bien délimités. Il y a encore très peu de maisons hors des murs, le développement de Sauveterre sera plus récent...



A DÉCOUVRIR DANS LA VILLE

Les fortifications

Pendant la guerre de Cent ans, menacée par des bandes de mercenaires, la ville est fortifiée. Des murs sont élevés et percés de quatre portes, deux au nord et deux au sud. Un fossé est creusé tout autour de la ville.


Détruites au cours du XIXe et au début du XXe siècle, les fortifications ont laissé des traces : les deux portes sud ont été conservées, le fossé, bien que comblé sur la majorité de son parcours, est encore perceptible : transformé en aire de jeux ou en parking. Seule une partie a été mise en eau et fait le bonheur des canards et des cygnes !

La tour de la Merette, dernière des quatre tours d'angle, a été investie par deux artisans en 2022. Les pierres de deux autres ont servi à la construction de la bascule et du four communal.


La collégiale Saint-Christophe

La première église est construite au début du XIVe siècle à l'extérieur des remparts. Elle est déplacée dans l'enceinte en 1389. Elle devient collégiale au XVIe siècle, à l'initiative de l'évêque de Rodez, François d'Estaing qui la dote, entre autres, de stalles en bois. Ces sièges, destinés aux chanoines, sont composés de deux parties : un siège et une miséricorde, sorte d'appui situé sous le siège et qui permettait aux chanoines de se tenir debout lors des offices. Comme à Salles-Curan (article à découvrir ici), le décor de ces fauteuils est particulièrement soigné. On peut notamment reconnaître plusieurs saints : saint Antoine, saint Matthieu et saint Laurent, reconnaissables à leurs attributs (cochon et bâton en T, épée et grill).


Les maisons en pan de bois

Sauveterre est remarquable aussi par le nombre de maisons en pan-de-bois qui sont conservées. Elles datent majoritairement du XVe siècle, avec des reprises au cours des siècles suivants.


Ce système de construction est connu depuis l’Antiquité mais a été massivement utilisé au cours de la période médiévale car il présente de nombreux avantages :

1. rapide à mettre en oeuvre, il était particulièrement adapté à des constructions rapides ou urgentes, dans un contexte de développement des bastides et surtout après la Guerre de Cent ans ;

2. économique, il utilise les ressources locales (pierres, terre, bois) ;

3. léger, il permet d’agrandir les maisons dans des villes surpeuplées et étroites où les agrandissements au sol ne sont plus possibles.


Mais ces constructions présentent également des inconvénients, notamment leur vulnérabilité face aux incendies. Dès le XVe siècle, certaines villes tentent de réglementer l’urbanisme et de limiter les pans-de-bois et les encorbellements.


Malgré leur apparente simplicité, les maisons sont le reflet du statut social du propriétaire, de sa richesse, de son goût, de sa connaissance de la mode. Cela se traduit par son ornementation, y compris sur les maisons en pan de bois qui ne sont pas réservées aux classes modestes. Levez les yeux, vous pourrez remarquer d'élégantes moulurations sur certaines maisons.




Mais que se cache-t-il derrière cet énigmatique volet bleu que vous pouvez voir sous un des couverts de la place ?


Si nos yeux se glissent par-dessus, ils découvriront un étroit espace entre deux maisons, aujourd'hui camouflé. Cet espace est appelé androne ou entremis. Ce n'est pas un passage - il est bien trop étroit pour s'y engouffre !


Mais son existence était pourtant importante au Moyen Âge :


1. c'est un coupe-feu permettant de limiter la propagation des incendies




2. il sert également d'égout. Ceux-ci ayant disparu depuis la chute de l'Empire romain, peu de villes sont équipées de système d'évacuation des eaux usées. On va donc trouver dans ces espaces les déversoirs des éviers et les latrines. Il valait donc mieux ne pas s'y aventurer !


Pour l'illustrer, je vous propose un petit dessin inspiré d'une enluminure du XIVe siècle (Décameron (1349-1352), BnF).






Commerçants et artisans

Aujourd’hui, les rues de la bastide portent le nom de métiers, c’était aussi le cas dans les villes médiévales où les métiers étaient souvent regroupés, notamment les bouchers ou les tanneurs.


Au XIVe siècle, se développe l’artisanat de la coutellerie. En 1425, la ville compte une trentaine de forgerons, dont 16 sont spécialisés dans la coutellerie. C’est bien plus que les besoins de la population ! Ils fabriquent des couteaux mais aussi des épingles, des armes… qui sont vendus sur place ou dans les foires. On en retrouve ainsi à Montpellier ou Pézenas et même jusqu’à Genève !

Cet artisanat perdure pendant environ un siècle et disparaît totalement au cours du XVIIe siècle, avec le changement des axes commerciaux, une terrible épidémie de peste et la concurrence des hauts-fourneaux du Nord.


Le sentier d'art en bastide

Depuis 2022, vous pouvez découvrir la bastide à travers les créations artistiques des artisans du Pôle des Métiers d'art. 8 œuvres ont été disséminées dans le village et ses abords. À vous de les retrouver !



Quelques lieux à découvrir :

- la roseraie, ancien cimetière. Un lieu apaisant, particulièrement au printemps.

- la croix de la Mérette

- les jardins

- les bords du Lézert où se cachent les ruines d'un vieux moulin...



Et pour en savoir plus, quelques liens utiles :

> Sauveterre-de-Rouergue : visite en autonomie ou visites guidées à retrouver sur le site de la mairie et de l'Office de tourisme.

> Les Bastides du Rouergue à découvrir au travers d'une publication du Pays d'art et d'histoire et des activités proposées par l'association : www.bastidesdurouergue.fr


À bientôt pour de nouvelles balades aveyronnaises !


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